J’ai appris le vélo à 45 ans

C’est par un tweet posté le 20 septembre de l’année dernière que tout a commencé.

Ne vas pas croire que l’envie m’a pris sur un coup de tête. Cela faisait des années que l’idée me taraudait, sans que je me décide à sauter le pas (la procrastination est une vielle copine) alors même que j’avais depuis longtemps identifié la vélo école qui pouvait me permettre d’acquérir cette compétence qui me faisait défaut. J’enviais les cyclistes que je croisais quotidiennement (je pestais aussi contre certains) mais j’avais toujours une bonne (non) raison pour ne pas me lancer. Mets-toi à ma place deux secondes : apprendre à l’âge adulte quelque chose que tu es censé avoir acquis dans l’enfance nécessite de prendre du recul par rapport à soi (parce qu’on est dans une situation de fragilité en raison de cette inaptitude) et par rapport au regard des autres (parce qu’il s’agit de quelque chose qui est supposé acquis pour la plupart des gens, ce qui n’est pas le cas puisque 6 % de la population française ne sait pas faire de vélo selon une étude de Villes-cyclables, cité dans Vélotaf. Mode d’emploi du vélo au quotidien, voir en fin d’article). Par chance, je suis assez imperméable au regard des autres et je n’ai jamais eu honte de ne pas savoir pédaler, mon ego était donc tout à fait disposé à ce que je me lance.

Il faut dire aussi que se lancer dans l’apprentissage de quelque chose qui est censé être acquis depuis l’enfance alors qu’on a plus de deux fois vingt printemps n’est pas si facile.

Il n’y a pas d’âge pour apprendre

C’est, je crois, la phrase qui est revenue le plus souvent dès que j’ai commencé à parler de cette nouvelle aventure. Certes, il n’y a pas d’âge pour apprendre et je le sais bien puisque j’ai récemment suivi deux formations à distance exigeantes, dont j’ai décroché les diplômes avec mention bien (je le précise parce que je n’en reviens toujours pas). Le savoir et se l’entendre dire, c’est une chose. Mais le faire, c’en est une autre. Et apprendre à faire du vélo à un âge avancé, où on a une connaissance assez fine des tous les dangers qui nous entourent au quotidien, c’est finalement moins facile que ça en a l’air.

Acquérir les bases (à savoir, pédaler) ne s’est pas révélé particulièrement compliqué. Il « suffit » de se lancer et ça vient presque naturellement. Mais savoir freiner, tourner, passer dans un passage étroit, lever un bras puis circuler hors du terrain de pratique, ça vient plus difficilement.

C’est la raison pour laquelle je ne me suis pas posé la question de poursuivre mon apprentissage de premier niveau par les cours de niveau deux, et que j’ai d’emblée choisi le forfait de dix heures. Et tu sais quoi ? Il fallait bien ça ! J’écris « il fallait » parce qu’à l’heure où ces lignes sont publiées, je viens d’effectuer ma dixième (et dernière ?) heure de cours.

Des hauts et des bas

Soyons clairs : l’apprentissage n’a pas toujours été une partie de plaisir. Je me dois d’ailleurs de remercier très chaleureusement les différents moniteurs qui m’ont encadré et qui ont tous fait preuve d’autant de patience que de bienveillance avec un élève qui veut bien faire mais qui finit par être un peu désespérant à force de ne pas arriver (à slalomer, à prendre un virage un peu serré ou à grimper une – pourtant petite – côte).

À ma décharge, mes premières séances ont eu lieu de nuit et par temps froid, ce qui rajoute quelques difficultés à un exercice qui n’en manque pourtant pas. Ma première sortie du parc pour me frotter à la circulation, un soir de semaine à l’heure des sorties de bureau, sur l’axe cyclable le plus fréquenté de la ville, était une expérience… immersive ! Et aussi stressante que formatrice. Mais en termes de ressenti, c’est le stress qui l’a emporté. Et ce stress m’a collé aux pneus pendant un bon moment. À vrai dire, je ne suis pas certain qu’il m’ait totalement quitté, même si la séance d’aujourd’hui où je suis allé rouler en ville au milieu de la circulation s’est très bien passée.

Apprendre le vélo à un âge avancé nécessite de pouvoir se dépasser soi-même, mais surtout de dépasser ses peurs. Parce que quand on connaît les moindres recoins de la ville pour l’arpenter à pied, en voiture ou en bus depuis plus de vingt ans, on en connaît aussi les dangers. Et comme à quarante-cinq ans, on est moins casse-cou qu’à quinze (je ne l’étais déjà pas à cet âge, alors tu peux imaginer aujourd’hui !) et qu’on a facilement peur (de la circulation, de la chute, de se casser quelque chose, de créer un accident…) il faut savoir beaucoup prendre sur soi pour surmonter ses craintes et se lancer. Et je n’avais pas pensé que ce serait aussi difficile. Par chance, ça n’a pas été insurmontable même si vers la fin de la formation, j’étais découragé à l’idée de ce qu’il me restait à surmonter, au point d’être à deux doigts d’abandonner mes ambitions de me balader la barbe au vent sur les quais du Rhône.

Quand l’enthousiasme est douché

Force est de constater que les moments d’exaltation lorsque l’on parvient à donner ses premiers coups de pédale laissent vite la place à la désillusion lorsque viennent les difficultés. Si certaines sont facilement surmontables, d’autres laissent des traces. Des traces physiques lorsqu’il s’agit d’une chute, des traces psychiques lorsqu’on se fait copieusement gueuler dessus par une cycliste devant laquelle on a pilé (à ma décharge 1- je débute, 2- elle me collait alors que j’avais mon gilet vélo-école, 3- elle m’a alerté que la béquille de mon vélo frottait ma roue, ce que je savais, mais moi ça m’a complètement déstabilisé, d’où mon arrêt brutal ; à sa décharge, elle avait son gamin à l’arrière et elle a sans doute eu très peur lorsque sa roue a tapé dans la mienne, mais chère madame, C’ÉTAIT PAS UNE RAISON POUR ME GUEULER DESSUS !). C’est le problème quand t’es un peu sensible : le psychique prend le dessus sur le physique et le petit vélo que t’as dans la tête vient sérieusement concurrencer celui que tu es censé piloter. Résultat : l’enthousiasme est douché, la motivation émoussée, la confiance en soi évaporée.

Fort heureusement, je ne suis pas du genre à abandonner facilement. Fort heureusement aussi, l’écoute dont j’ai bénéficié pendant les cours m’a permis de reprendre confiance en moi progressivement et de faire taire cette psyché un peu trop envahissante. Et puis au-delà des bénévoles de la Maison du vélo il y a eu la communauté cycliste de Twitter qui s’est révélée pleine de mots gentils et d’encouragements.

Bilan de l’expérience

En dépit des moments de doute et des quelques difficultés rencontrées, je ne peux tirer qu’un bilan totalement positif de cette expérience. Et plutôt qu’un bilan d’ailleurs, il s’agit plutôt du début de quelque chose. J’ignore où cela me mènera, ni à quel rythme (« un tour de pédalier après l’autre » pour reprendre le propos de Jérôme Sorrel) mais j’espère bien pouvoir rejoindre le gang des vélotafeurs d’ici quelques mois, voire de renoncer aux transports en commun au profit du vélo qui devrait bientôt être le mien. Je pense même que j’ai déjà son petit nom…

Mais au fait, pourquoi tu savais pas en faire ?

Tu t’interroges peut-être sur la raison pour laquelle je n’ai pas su faire de vélo jusqu’à l’automne dernier et la réponse est aussi simple que banale : je n’ai jamais appris. Certains n’ont jamais appris à nager, ni à skier, ni à monter une mayonnaise, moi c’était le vélo (mais je maîtrise les trois compétences précédemment citées, encore que pour la natation la technique ne soit pas parfaite). Je n’ai jamais cherché à en comprendre les raisons ni à blâmer qui que ce soit et en vrai, je me fiche du pourquoi. L’essentiel n’est-il pas que le manque ait été comblé ?

Remerciements

Un grand merci aux bénévoles de la Maison du vélo pour leur patience et surtout leur bienveillance. Merci à l’incroyable communauté vélo sur Twitter qui m’a fait découvrir un monde insoupçonné. Merci à Claire et Charlotte pour la balade encadrée (et l’essai du Brompton !).

Pour aller plus loin

Tu aimerais aller bosser en vélo mais tu ne sais pas comment t’y prendre ? Je te conseille l’ouvrage de Jérôme Sorrel, illustré par Eve Coston Vélotaf. Mode d’emploi du vélo au quotidien, coll. Alternatives, Gallimard, 2021.

Tu peux aussi retrouver l’interview que j’ai donnée à l’antenne de Rayons libres le 22 novembre 2021 ici : https://cause-commune.fm/podcast/rayons-libres-137/

Un commentaire sur “J’ai appris le vélo à 45 ans

  1. Moi je dis juste « bravo » ! Tu as su surmonter tes appréhensions et c’est déjà un grand pas dans le monde des deux roues 😉 A force de pratique, de chutes (ça arrivera peut-être… mais je pense que tu sauras les gérer) et de kilomètres parcourus, tu y prendras de plus en plus du plaisir. Tiens… ça me rappelle que j’ai un fidèle destrier sur lequel il faudrait que je remonte à l’occasion 😀

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